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 [Sociologie] Gérald Bronner

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Camio

Camio


Messages : 475
Date d'inscription : 07/09/2009
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MessageSujet: [Sociologie] Gérald Bronner   [Sociologie] Gérald Bronner Icon_minitimeMer 18 Nov - 13:50

Je découvre à l'instant l'existence de ce monsieur. Un exemple de sa production :

Citation :

Gérald Bronner, L'empire des croyances
Paris, PUF, 2003, 281 p. (coll. « Sociologie »)

Cet ouvrage apporte une contribution très éclairante à la question clé qu'il pose d'entrée de jeu : « les progrès de la science, et de la connaissance en général, sont-ils en mesure de faire disparaître les croyances ? » Il s'agit des croyances au sens large, en tout domaine. G. Bronner constate qu'en fait, non seulement celles-ci ne disparaissent pas mais qu'elles se portent très bien. Comment expliquer ce paradoxe ?

L'auteur commence par rejeter l'idée selon laquelle les croyances relèveraient de l'irrationnel, du passionnel, même si c'est parfois le cas. Ce qui les caractérise d'abord, montre-t-il dans une première partie, se référant notamment à Raymond Boudon, c'est qu'elles relèvent d'une rationalité subjective, alors que la science relève d'une rationalité objective. Les croyances ont leur logique, qu'il s'agit de découvrir par-delà les « opacités » qui peuvent nous les faire apparaître comme irrationnelles, opacités dont il analyse les principales formes.

Une seconde partie recherche précisément quelles sont les « conditions d'émergence des croyances ». « Les individus ne peuvent acquérir la qualité de croyants, avance alors Bronner, que pour autant qu'ils n'aient pas, sur un sujet, accès à la claire et complète information » (p. 84). Or, « aucun individu n'est en mesure d'accéder à l'information pure et parfaite qui est la condition de l'état de connaissance » (p. 186), état qui est en fait une utopie, ce qui explique « qu'il puisse y avoir progrès de la connaissance humaine et persistance d'un empire polymorphe des croyances » (idem). Les croyances émergent des limites de l'accès à la connaissance : limites dimensionnelles (spatiales, temporelles), culturelles (filtres interprétatifs), cognitives (illusions perceptives, impossibilité de saisir une question dans toute sa complexité, etc.). L'auteur étaye sa démonstration par un grand nombre d'exemples allant des mythes des origines (cinquante d'entre eux sont cités !) aux travaux de la psychologie expérimentale, travaux auxquels il est souvent fait référence, d'une manière générale. Ces mythes, tout comme les représentations de l'après-mort, illustrent le fait que l'homme ne peut rester sans réponse devant certaines questions fondamentales, même s'il ne possède que « quelques indices dérisoires » (p. 118). La connaissance scientifique elle-même n'est considérée que comme la plus « probablement vraie » et la plus « complètement argumentée », mais elle est susceptible de changer (cf. les changements de « paradigme » de Kuhn).

Toutefois, ces limites ne sont que des conditions nécessaires à la croyance, et non des conditions suffisantes : il faut en plus que soient remplies certaines conditions d'émission et de réception sur le « marché cognitif », conditions qui sont examinées dans une troisième et dernière partie. L'auteur pense que « les échanges cognitifs (dont font partie les croyances) peuvent être décrits comme des processus d'offre, de demande, de concurrence, de monopole, etc. » (p. 184). Il passe en revue les principaux types de situation : monopole, oligopole, concurrence ouverte, tout en soulignant les limites de la métaphore du marché (absence de monnaie, d'équilibre offre-demande, etc.). Il souligne que l'une des caractéristiques de notre marché cognitif contemporain est la « saturation » et la « dissémination » de l'information, « un fait inédit dans l'histoire de l'humanité, et qui donne une forme à l'empire des croyances inédite elle aussi » (p. 172).

On le voit, il s'agit d'une approche originale et souvent pertinente surtout pour le spécialiste des religions, qu'elle oblige à prendre du recul. Originale, encore que notre domaine ait déjà vu des analyses de ce type en particulier chez Martin (analyse des situations confessionnelles des pays occidentaux en terme de monopole, oligopole, duopole, etc.), Iannacone (application d'un modèle micro-économique à l'investissement personnel dans les activités religieuses), Stark et Bainbridge (développement de la demande en situation de concurrence), des travaux que Gérald Bronner n'évoque pas.

Si je devais mentionner des points faibles, j'en verrais deux. Tout d'abord, l'auteur rejette un peu facilement, me semble-t-il, les analyses expliquant les croyances par les fonctions qu'elles remplissent (Marx, Malinowski, Durkheim, Mauss, Bourdieu, Moscovici). Il précise que ces analyses relèvent d'un modèle lamarckien (selon lequel un individu peut s'adapter à son environnement et transmettre cette adaptation), alors que les croyances correspondraient plutôt à un modèle darwinien (selon lequel, du hasard de la production des mutations, émergent les individus les mieux adaptés). Outre que cette opposition est fortement relativisée par les dernières découvertes scientifiques en matière d'évolution (cf. les travaux de Radman et de Lindquist), on ne la voit pas appliquée par l'auteur aux croyances. Or on sait qu'un individu peut changer ses croyances, et même radicalement (conversion religieuse), qu'il peut transmettre ces changements, que des sociétés entières peuvent le faire (effondrement du communisme). Ces changements seraient d'ailleurs de plus en plus courants si le marché cognitif contemporain est ce qu'en dit l'auteur. Le second point concerne la description des caractéristiques du médiateur, du récepteur et du message, où j'ai eu l'impression d'en rester au niveau des généralités, sinon, des banalités : ainsi, l'adhésion cognitive sera plus facile (son prix sera moins élevé) si le récepteur a un rapport affectif avec le médiateur, si ce dernier a une compétence reconnue, s'il n'a pas d'intérêt propre dans l'affaire ; si le contenu du message génère un effet d'implication (intérêt matériel ou cognitif, côté spectaculaire, mise en scène d'une dimension de l'identité) ou un effet de dévoilement. Ici, la méfiance envers les fonctions remplies par la croyance semble empêcher d'aller plus loin. Ces réserves sont autant d'invitations à des approfondissements prometteurs.

Yves Lambert, « Gérald Bronner, L'empire des croyances », Archives de sciences sociales des religions, 130 (2005) - Les Saints et les Anges..., [En ligne], mis en ligne le 17 novembre 2005. URL : http://assr.revues.org/index2407.html. Consulté le 18 novembre 2009.
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