Another brick in the Wall…
Il est souvent étonnant de voir à quel point une idéologie peut desservir ce que l’on peut appeler la « nation humaine ». Bien sûr, ces mêmes idéologies, la plupart du temps, semblent parfaitement s’entendre, à condition d’avoir les arguments qui vont avec. Mais cela n’a pas toujours été le cas.
Construit en 122 par l’empereur Romain Hadrien, le mur du même nom a été l’un des premiers de ce type. Destiné à protéger Rome des barbares Pictes, Scots et autres. Hadrien estimait que l’empire Breton devait être détruit, puisque les autochtones se liaient de pactes avec les Sax (l’actuelle Allemagne), les Normands (Vikings) et les Celtes d’Irlande. Un mur fait pour affamer, pour cisailler et détruire un peuple.
Dix-huit siècles plus tard, on en prend d’autres et on recommence.
Question de nom, d’idéologie, presque de culte tellement les proportions en devinrent énormes. Bâti dans la nuit du 12 au 13 août 1961, le Mur de Berlin cristallisa, durant quarante ans, la guerre froide. Il en était sa représentation physique, un élément palpable que tous pouvaient voir. Question d’appellation, aussi. L’Allemagne de l’est, dévouée (appartenant) à l’URSS avait prit pour nom RDA, République Démocratique d’Allemagne, quand son opposé de l’ouest prit République Fédérale, RFA.
Enfin, durant quarante ans, ces deux frères ennemis alimentèrent les rumeurs et les fantasmes.
Du côté capitaliste, on parlait des morts, des famines et des privations de libertés qui régissaient l’autre côté.
Mais tout n’est pas là. La partition de l’Etat en deux parties existe depuis 1949, et la RDA voit un nombre conséquent de ses habitants fuir vers l’ouest. Avec le mur, tout cela est fini. En échange d’une précaire reconnaissance par l’Occident du titre d’Etat Souverain, cette même RDA accepte, dès 1963 de laisser se réunir (pour un mois maximum) quelques familles. Des gens qualifiés « d’improductifs » en particulier, les vieux, les handicapés. Autre demande, qui ne sera jamais acceptée, celle d’extrader tous les anciens citoyens d’Allemagne de l’Est. Ils appartiennent au communisme, après tout.
On se trouve dans un conflit moral, idéologique et humain fabuleux. Des morts, il y en a. Des familles désunies, des vies brisées, aussi.
Loin de représenter un exemple d’humanisme, les deux idéologies jouent une partie d’echecs qui semble infinie, dont le slogan aurait pu être « quelque soit celui qui gagne, le peuple perd ».
C’est John Fitzerald Kennedy, alors encore en vie (oui, je sais, elle est facile), qui définira le mieux ce que représente le Mur, dans son discours du 26 juin 1963 :
« Le bloc soviétique s’apparente désormais à une vaste prison dans laquelle les dirigeants sont obligés d’enfermer des citoyens qui n’ont qu’une idée : fuir ! Le Mur est un aveu d’échec et une humiliation pour toute l’Europe orientale. »
Puis, le Mur est tombé. Le Mur de la Honte. Le 9 novembre 1989, il y a tout juste vingt ans.
Comme pour chacun des évènements les plus dramatiques de notre histoire, nous nous sommes promis un « plus jamais ça » de rigueur. Plus jamais cette haine fratricide, plus jamais cette odieuse séparation des peuples humains.
Car il est un constat évident : à chaque fois qu’une guerre idéologique échoue de la sorte, la seule chose qui reste est un brin d’humanisme. On pense aux peuples, aux gens, à tous ceux qui n’ont pas choisi. Mais les impératifs donnés par une civilisation moderne axée sur bien autre chose que l’humanisme font que nous oublions bien vite tout cela. La Première Guerre Mondiale a laissé la place à une seconde, la première guerre du Golfe a laissé la place à une seconde et le mur… Qu’il soit physique, comme celui qui entaille actuellement la frontière entre Israël et la Palestine, ou mental, comme celui que nous érigeons en permanence contre nos pairs - question d’opinion, de politique, d’idéologie ou de religion - il reste toujours des mur honteux à abattre.
Si un accord entre tous les hommes n’est ni envisageable, ni opportun, on peut espérer, tout de même, une certaine compréhension. Une écoute, une présence, un dialogue sont préférables à toute guerre.
Si le Mur de Berlin a souligné, durant quarante ans, le pire de l’humanité, sa chute peut rester un espoir pour tous les murs qu’il reste à abattre.
Autre sujet, autre idéologie, mais pas tant que cela.
Vous le savez certainement tous, le prix des cigarettes a augmenté, aujourd’hui, en France. Plus 6%, ce qui fait une augmentation de 32% depuis sept ans. Il est loin le temps où, pour quinze Francs, je me payais un paquet de Camel. Je suis, depuis, passé aux Pall Mall, un peu moins chères, meilleures au goût (avis personnel). Mais quelle tristesse de voir ma buraliste préférée (une jolie et adorable blondinette) changer les prix affichés. Eh oui. Une hausse de presque trente Cents, ça fait mal.
Du côté de l’Etat, on murmure que la hausse des bénéfices sera d’environ quatre-cents millions d’Euros. Une partie, bien sûr, ira à la Sécurité Sociale, mais personne n’avance de chiffre. Ce peut être un Euro comme plusieurs millions.
Et les associations anti-tabac de dire et répéter qu’elles voudraient une hausse de 10% par an. Les fous!
Le pire est que les plus chiants en la matière sont les repentis. Comme si le fait qu’ils aient arrêté de fumer signifie que tout le monde doit en faire autant.
Le tabac est mauvais pour la santé, comme conduire sans ceinture, comme l’automédication (la France est le premier pays consommateur d’antidépresseurs), comme…
Bien sûr, on peut en appeler à la liberté, au choix. A titre personnel, j’écris ces lignes une Pall Mall entre les doigts, un café posé sur le bureau et… J’aime ça. Bien sûr que oui. Outre la dépendance effective (quoi qu’il m’arrive régulièrement d’arrêter durant quelques jours), il reste un vrai plaisir, cette légère décharge d’endorphines libérée par la nicotine lorsqu’elle atteint notre cerveau. Un plaisir à plus de cinq Euros le paquet, maintenant. Presque le prix d’une boîte de préservatifs (personne n’en fume?).
Ce qui est troublant, c’est que, encore une fois, ce sont ceux qui ont le moins qui payent le plus. Certes, rien n’empêche les riches Bolloré ou Dassault de fumer… Mais rien ne les empêche d’acheter leurs cigarettes en Andorre ou en Belgique, non plus.
Pour beaucoup de gens qui n’ont rien, la cigarette est un plaisir coupable, une manière de pouvoir dire « au moins, j’ai ça ». Ca, et le Loto.
Mais voila. Ca ne fonctionne pas comme ça.
Il est évident, par ailleurs, que l’Etat fonctionne comme une blague cynique. Chacun sait que seuls peu de gens n’arrêtent de fumer qu’à cause du prix. Ils continuent, parce qu’ils le veulent, comme d’autres continuent à prendre leur voiture pour parcourir les cinquante mètres qui les séparent de leur épicerie favorite. Il ne s’agit donc pas d’empêcher les gens de fumer, mais bien de gagner plus d’argent. Car, si l’on voulait réellement que les gens cessent avec la cigarette, on se contenterait de la rendre illégale, à la limite. Au moins de manière à avoir une base législative. Mais non. Sous couvert d’altruisme, l’Etat se contente de gagner. Et nous de payer.
Pourquoi ne pas taxer tous ceux qui ont un véhicule pour les accidentés de la route? N’ayant pas de voiture, je trouve l’idée géniale. Certes, ils sont déjà taxés. Bon.
Alors pourquoi ne pas taxer une part des bénéfices des grosses sociétés? Et pourquoi ne pas appliquer le système de l’impôt sur le revenu aux parachutes dorés et aux plus gros salaires (plus on gagne, mois les impôts sont importants, curieusement).
Je vais bientôt me faire traiter de bolchevik, mais bon. Continuons à creuser. A une époque où tout passe par un semblant de « mieux être » - mangez cinq fruits et légumes par jour, ne fumez pas, ne buvez pas, mangez du soja - il devient mal vu de décider par soi-même de ce qu’on veut faire de son propre corps. L’apparence compte. Il n’y a qu’elle qui compte, d’ailleurs, semble-t-il.
Alors, finalement, je me lance. Oui, fumer est une liberté individuelle. Comme se tuer au volant de sa BMW, manger gras ou de la viande. Ce sont des choses dont on peut profiter, qui sont légales, et qu’on peut aimer, n’en déplaise aux antis de tous poils. Déjà qu’on se les caille en hiver à devoir fumer à l’entrée des bars, sous les regards désapprobateurs des badauds (« tu as vu? Des fumeurs. Berk, ils sentent mauvais!) - on est à deux doigts de la ségrégation, non?
J’aime qu’on me dise que ma fumée dérange, assis sous le soleil d’été à la terrasse d’un bar. L’occasion d’envoyer se faire voir à l’ombre les importuns. Le simple fait de leur dire qu’ils n’ont qu’à entrer dans le bar - là où on ne fume pas - est jouissif. Les pourrir fait partie de mes occupations estivales favorites, j’avoue. Et je ne suis pas tendre.
Alors oui. J’avoue. Je fume, je bois (un peu) d’alcool, je mange gras, je mange de la viande, je baise, etc.
Et j’aime ça. Ca fait partie de ma vie, des choses que j’aime faire dans la vie. Je comprends parfaitement que d’autres n’aiment pas ça, et ne leur en veux pas. Pas de souci. Vous profiterez de votre vie quand vous vous réincarnerez.
Et nous retombons, finalement, sur nos pieds. Un mur s’érige entre les gens, entre des idéologies divergentes, là où une simple question de respect mutuel serait acceptable. Et voila pourquoi a été conçu le Mur de Berlin, et pourquoi les antis nous emmerdent… Le respect est rare. Chacun souhaite être respecté, mais ne se pose pas la question du respect de l’autre. Chacun a ses idées, et pense qu’elles prédominent sur les autres.
Au final, tout le monde y perd. En humanisme, en respect, en valeur.
Chers amis, j’en allume une à votre santé.
Greem "ca me déprime" - 2009 Flaque d'Os / autorisation Libertathée